Écouter Expédition 4, "Bébittes". Pièce écrite par Jean Derome. Enregistrée du 12 au 14 novembre 2000 au studio 12 de Radio-Canada. Interprétée par Nicolas Caloia, Guillaume Dostaler, Normand Guilbeault, Joane Hétu, Diane Labrosse, Jean René, Pierre Tanguay, Martin Tétreault, Tom Walsh, Rainer Wiens.
Canot-camping (2000) est une composition d’envergure pour un orchestre de chambre. Elle est ce que son compositeur Jean Derome appelle une mosaïque musicale faite de compositions autonomes, s’appuyant sur le thème d’une expédition de canot-camping. La pièce agit comme « territoire musical » que l’orchestre peut explorer à travers une représentation donnée, appelée « expédition ».
Chaque élément musical représente un site, et chaque site peut être relié aux autres de différentes manières. Lors d’une expédition, le chef désigné décide du trajet, pouvant couvrir de petites sections du territoire, ou encore plusieurs grandes sections, l’équivalent de plusieurs « jours » d’exploration de nouveaux territoires sonores. La pièce consiste en une structure flexible permettant à de nouvelles sections et à de nouvelles idées d’être incorporées afin de convenir aux circonstances d’une expédition donnée. À l’origine, elle a été écrite pour douze musiciens, même s’il y a des sections permettant un nombre variable de musiciens. La pièce fait un contraste entre les sections basées sur des traductions littérales de thèmes autour du canot-camping en musique, et des sections qui sont thématiquement plus abstraites. Il y a également des contrastes entre des sections complètement écrites en notation standard proportionnelle et des improvisations structurées notées de manière graphique. Ainsi, les musiciens ont le défi de naviguer, au cours de leur trajet, à travers un terrain à la fois structuré et abstrait.
Il y a deux méthodes pour transmettre la partition. La première est fondée sur une suite de cartes notées que les musiciens suivent. La seconde s’appuie sur une série de signes manuels que chaque musicien mémorise avant une expédition. Le chef peut ensuite utiliser ces signes pour guider la musique dans différentes directions. La partition elle-même est plutôt éparse. Plutôt que d’accentuer une séquence structurée d’événements, la pièce se concentre sur la nature invitante du concept général pour les joueurs et fournit un encadrement à la fois simple et flexible, à l’intérieur duquel les musiciens peuvent interpréter ce concept. Dans ses compositions, Derome s’efforce de transmettre ses idées en utilisant les moyens de communication les plus simples et les plus directs avec les musiciens. Ainsi, pour Derome, une mesure du succès d’une pièce donnée est d’en arriver à un résultat consistant à travers plusieurs performances tout en donnant un minimum de consignes.
Pour Canot-camping, Derome intègre une variété de styles de notation, incluant des instructions verbales et écrites, des dessins et des symboles graphiques, et également de la notation standard et proportionnelle lorsque approprié. Il y a aussi plusieurs moments où sont à l’honneur des partitions « trouvées », incluant des cartes à jouer, des dominos, des cartes topographiques et une série d’aphorismes intitulée « Choses à savoir » où les mots eux-mêmes servent de partition. Le résultat est une interaction dynamique entre les musiciens et la partition. Derome dessine une analogie entre un jeu vidéo et le processus d’interprétation, impliqué dans une expédition. La pièce se déploie comme un trajet à travers un nouveau monde sonore, au cours duquel les musiciens assemblent divers matériaux qui, en retour, changent le déroulement de l’expédition. Ainsi, étant donnée la flexibilité d’une structure, il s’agit d’une pièce évoluant non seulement d’une expédition à une autre, mais la destination d’une expédition donnée, si elle existe, reste inconnue jusqu’à la fin.