Germaine Liu, compositrice
Nick Loess, artiste visuel
Alliant ses explorations musicales et compositionnelles des propriétés physiques et sonores inhérentes aux matériaux et aux instruments trouvés, Stone Sketch (2009) documente les explorations intuitives et viscérales de Germaine Liu dans les domaines du toucher, du mouvement et du son. Cette composition a été produite et gardée en mémoire par Liu avant d’être notée en forme écrite et visuelle. Chez Liu, l’élément graphique sert à documenter le processus créatif et compositionnel plutôt que de fournir des directives pour l’interprétation du morceau. Par conséquent, on comprend mieux ses partitions si on les considère comme la représentation d’un processus de création musicale.
Germaine Liu et Nick Loess ont débuté leur collaboration en 2008 avec des projets multimédias qui mettaient en commun leur expérience et leur expertise en arts visuels et sonores. Ils voient leur collaboration comme une forme d’improvisation et comme une source d’inspiration et laissent le moment et le lieu dans lesquels ils travaillent guider le processus de création. Pour Stone Sketch, Loess a utilisé photographies et vidéos pour suivre le processus et le jeu de Liu et produire des citations (plutôt qu’une traduction) de ce qui se passe sur les plans musical et gestuel entre Liu et les pierres.
Pour cette partition, Loess a documenté Liu en train de jouer ce morceau à plusieurs occasions, en utilisant un appareil-photo numérique (prenant des clichés à un rythme de 6 images/secondes) et une caméra-vidéo numérique (filmant en 24 images/secondes). Grâce à cette approche collaborative et multimédiatique, Liu et Loess ont pu explorer la manière dont les différentes vitesses et vélocités du numérique parviennent à communiquer les mouvements qui se produisent à différents moments du morceau. Leur but commun était d’utiliser leur collaboration pour explorer la relation entre le temps, le mouvement, la musique et le gestuel, et de faire en sorte que les images documentent et révèlent le processus plutôt que de les proposer comme œuvre d’art en tant que telle.
Stone Sketch s’est élaborée autour de l’exploration des propriétés physiques et sonores de deux pierres trouvées par Liu sur les rives du lac Supérieur, ainsi qu’autour de la relation de Liu par rapport à ces pierres. La composition commence avec Liu tenant une pierre immobile dans le creux de sa main gauche. Avec sa main droite, elle bouge la deuxième pierre en un mouvement de va-et-vient rythmique au dessus de la pierre fixe. Au moment où la pierre supérieure bouge dans le vide de plus en plus vite, Liu permet aux deux pierres d’entrer en contact l’une avec l’autre, faisant résonner les rythmes et les connexions entre elles jusqu’à ce qu’elles entrent en contact total. Ensuite, Liu continue à explorer les sons produits par les pierres en les grattant l’une contre l’autre, accélérant rapidement jusqu’à ce qu’elle ait atteint le plus grand arc possible tout en restant concentrée sur sa relation avec les pierres. À la fin du morceau, les pierres ont laissé des traces l’une sur l’autre; témoignage visuel du passage du temps et du partenariat musical et sonore qui a eu lieu dans le morceau.
La première partie de la partition présente un discours personnel sur un ton réflectif et dialogique qui décrit et documente le processus de Liu et sa relation sonore, gestuelle et physique avec les pierres. La seconde moitié de la composition comprend des photos et des flux vidéos de Liu jouant ce morceau dans différents contextes. Loess a utilisé le médium visuel pour documenter les productions de Liu et pour capter des moments charnières où les changements se produisent. Ceci permet aux spectateurs d’observer certains gestes et ensuite d’interpréter la progression sonore du morceau entre ces changements.
Dans leur collaboration, Liu et Loess aborde la notation graphique d’un point de vue qui considère la « partition » comme étant principalement descriptive. Cette méthode leur permet d’explorer la capacité qu’ont les médias visuels de représenter la subtilité des gestes et des matériaux, accueillant autant les auditeurs que les artistes dans une expérience plus intime du spectacle et du processus créatif. Chez Liu, cette forme de présentation graphique, la collaboration improvisatrice avec Loess, et le processus de documentation accordent à son travail une qualité descriptive qui est censée inspirer plutôt que d’être explicitement prescriptive et/ou directionnelle.
L’intention de Liu n’est pas de fournir une partition qui dicte la façon de jouer le morceau. Elle la conçoit plutôt comme une réflexion personnelle qui tente d’articuler une expérience sonore et viscérale par le biais des médias visuels. Liu souhaite qu’en voyant cette œuvre, on saisira le sens de sa relation avec les pierres et qu’on s’en inspirera. Ainsi, plutôt qu’une partition qui structure le jeu des musiciens, Liu voit son morceau davantage comme un extrait de journal intime exposant le processus collaboratif qui a permis de créer cette œuvre.