Écouter Le caillou, le cristal et le camion. Pièce écrite par Danielle Palardy Roger. ENSEMBLE SuperMusique. Enregistrée au Théâtre La Chapelle par Radio-Canada le 26 avril 1998. Interprétée par Pierre Cartier (contrebasse), Jean Derome (flûte et sax alto), Joane Hétu (voix et sax alto), Jean-Denis Levasseur (clarinettes), Diane Labrosse (piano et synthétiseur), Kristin Molnar (violon), Jean René (Alto), Pierre Tanguay (batterie).
Danielle Palardy Roger s’intéresse particulièrement à la notation graphique, autant à l’intégration de celle-ci dans la notation standard qu’aux disparités entre ces deux formes de notation, et également aux styles contrastants de musique que chaque forme de notation amène. Le caillou, le cristal et le camion (1998) est une série de tableaux musicaux présentant des sections écrites purement de manière standard ou de manière graphique, ou encore des juxtapositions des deux. La pièce fait entre dix-sept et vingt-deux minutes au total et est composée pour flûte, clarinette, saxophones (soprano, alto et baryton), voix, piano/échantillonneur électronique, percussions et cordes (violons, alto et contrebasse).
Le premier tableau, « Le caillou sur le chemin » (entre trois et sept minutes) présente une série d’épisodes juxtaposant un élément musical librement improvisé, accompagné soit d’un élément soutenu, indiqué comme aigu et discret, soit d’un silence. L’instrumentation varie constamment au cours du tableau. Chaque épisode successif est de plus en plus long, résultant en un decelerando structurel. Ceci est combiné à un crescendo graduel de mezzo-forte à fortissimo. Pris ensemble, ceux-ci façonnent le tableau, créant une continuité à travers la nature épisodique de l’activité musicale en surface. Ici, Roger combine les notations standard et proportionnelle à une notation graphique non-standard. Lorsque le groupe a joué la pièce une fois, le défi et le jeu sont de la rejouer de manière identique.
Dans le second tableau, « Un caillou pas comme les ôtres » (entre trois et quatre minutes), Roger poursuit la nature épisodique du tableau précédent. Un geste d’ensemble façonne le tableau, alors que l’activité musicale devient de moins en moins structurée et de plus en plus complexe. Le tableau débute par des pulsations rythmiques relativement régulières entendues surtout des percussions à la section « A », et se termine avec de la musique complètement improvisée par l’ensemble complet à la section « C ». Ce geste est noté par un changement graduel dans la notation, passant d’une notation standard et proportionnelle en « A » à une notation surtout graphique en « C ».
Le troisième tableau « Le Cristal » (entre quatre et cinq minutes) présente une section principale écrite en notation standard, encadrée par une introduction librement improvisée et une « suite ». Faisant la transition entre la section finale improvisée du tableau précédent, l’introduction est indiquée seulement comme un duo pour clarinette et violon d’une durée indéterminée. La section principale consiste en une simple ligne mélodique qui se développe continuellement du début à la fin. La ligne mélodique et sa transposition à la seconde majeure sont interprétées en parallèle, ajoutant un certain niveau de dissonance à la texture homophonique résultante. Cette section est jouée deux fois, tout d’abord par un petit ensemble puis répété tutti. La « suite » suivant la section principale se joue à partir d’un ensemble d’instructions écrites, appelant à des contrastes d’extrêmes de registre et de groupes de timbres entre l’ensemble et les sections des cordes et des saxophones.
Le quatrième tableau, « Le caillou et le cristal » (entre quatre et cinq minutes), combine la nature épisodique du premier tableau avec l’unisson juxtaposé et les matériaux librement improvisés du troisième tableau. Il présente trois sections principales, « A », « B » et « C », où « A » débute avec les saxophones poursuivant leur trio improvisé du tableau précédent, et se termine avec « C » avec l’introduction d’exemples inspirés de machines et des idées rythmiques qui font la transition avec le cinquième et dernier tableau.
Dans le cinquième tableau, « Et le camion » (entre trois et quatre minutes), Roger superpose graduellement trois principales lignes contrapuntiques de longueurs variées et avec un nombre de répétitions également variés. Chaque ligne de contrepoint est caractérisée par un motif rythmique répétitif et semblable à une machine. La texture contrapuntique est juxtaposée à la voix et les parties des saxophones, faisant graduellement la transition entre des sons surtout vocalisés et gutturaux à des cris et des harmoniques d’embouchure, respectivement. Au cours du tableau, l’échantillonneur électronique amplifie graduellement les échantillonnages inspirés de machines. Le résultat est une augmentation lente du niveau de tension musicale, en terme de densité et de complexité de la texture générale. La pièce se termine brusquement au point de tension musicale extrême, avec l’épuisement des matériaux contrapuntiques, et avec la voix, les saxophones et l’échantillonneur prenant d’assaut l’ensemble par leurs niveaux de volume et de dissonance.
Un des buts artistiques de Roger est d’arriver à créer de la musique à partir d’une seule idée de base. Cette prémisse de base est articulée dans le premier tableau, alors que chaque section librement improvisée combine différents instruments et est successivement plus longue et plus forte que la précédente, formant ainsi une matrice générale. Le défi est de répéter la pièce exactement comme elle a été jouée une première fois.